Cette brochure a un double objectif :
-d’informer le personnel travaillant de nuit sur les risques sur la santé, ainsi que sur les moyens de prévention
-d’offrir des outils pour l’autodépistage précoce des désadaptations au travail de nuit, cas où le personnel est invité de se rendre dans le Service de médecine du travail
1. INTRODUCTION
Définitions :
Est considéré comme travail de nuit tout travail ayant lieu entre 21 h et 6 h.
Est considéré comme travailleur de nuit tout travailleur qui accomplit soit au moins trois heures un travail de nuit au moins deux fois par semaine, selon son horaire habituel, soit un nombre minimal d’heures de travail de nuit sur une période de référence (à défaut 270 heures).
Plusieurs organisation du travail de nuit sont en place actuellement:
-Travail de nuit continu – des postes uniquement de nuit de 8 heures (15-17 nuits/ mois)
-Travail de nuit posté ou en équipes alternantes, de 8, 10 ou 12 heures
-Travail de nuit occasionnel, postes de nuit de 8 heures occasionnelles (1-3 fois / mois)
-Autres organisations particulières (travail partiellement de nuit – jusqu’à minuit, astreintes à domicile etc.)
2. EFFETS SUR LA SANTE
Particularités du travail de nuit :
-désorganisation des rythmes circadiens, si la personne travaille plusieurs nuits d’enfilée : à partir de 3-4 nuits travaillées l’organisme commence à changer certains de ces rythmes ; de ce fait, on conseille une alternance rapide du travail de nuit et de jour et conseillée
-en raison de la surfatigue, à long terme il existe une usure prématurée de l’organisme, une dégradation accusée, mais non spécifique, de l’état de santé
-« l’effet du travailleur sain » représente la (auto)sélection des individus les plus adaptables aux perturbations des rythmes biologiques
-au-delà de la récupération de la fatigue physique, il y a aussi la récupération psychique, qui n’a rien d’automatique et qui permet de se dire en forme.
Une dette de sommeil s’associe au travail de nuit due à :
-la diminution de la durée du sommeil pour les travailleurs de nuit par rapport à ceux qui travaillent de jour, cette différence est d’environ deux heures
-la diminution de la qualité du sommeil de jour à cause des bruits, de la lumière, des interruptions par des membres de la famille ou des amis, des divers activités sociales
L’adaptabilité aux horaires de nuit dépend :
-des caractéristiques individuelle (variabilité importante selon la personne : les petits dormeurs et les « couche-tard » s’adaptent mieux au travail de nuit)
-de l’âge (notamment à partir de 45 ans, il existe une moindre adaptation)
-des divers états pathologiques qui peuvent survenir au cours de la vie
-du libre choix du travail de nuit (pour ses avantages)
-de la vie sociale : acceptation par l’entourage de ce rythme décalé, âge des enfants, centres d’intérêt, activités sportives, travaux à la maison, niveau de revenus etc.
Charge mentale différente :
-plus grande autonomie dans l’organisation du travail, moins d’interruptions, mais aussi de la solitude
-une plus grande responsabilité quant aux décisions concernant les patients, dont résulte l’angoisse
-ambiance travail plus conviviale et plus solidaire dans l’équipe, mais aussi sentiment d’isolement professionnel par rapport aux équipes travaillant de jour
-relations professionnelles avec les autres services plus difficiles du fait des horaires
Les études épidémiologiques ont mis en évidence une certaine augmentation du risque pour les suivantes affections:
-Troubles cognitifs : baisse de la vigilance, de la capacité d’adaptation à un situation nouvelle et des performances cognitives, surtout des processus mentaux complexes avec un nombre accru d’erreurs, et un ralentissement du temps de réponse (le minimum a lieu environ 3 heures du matin), troubles de mémoire
-Risque accru d’accidents du travail ou de trajet (en rentrant chez soi en voiture le matin après le travail)
-Troubles de sommeil (difficultés d’endormissement, sommeil agité, fatigue au réveil, consommation de hypnotiques)
-Dette de sommeil, fatigue cumulée, surmenage, épuisement, burnout
-Troubles psychiques : dépression, irritabilité, perte d’intérêt face aux événements ou entourage, conduites addictives
-Affections cardiaques : cardiopathie ischémique, hypertension artérielle, troubles du rythme cardiaque
-Troubles digestifs (gastrites, ulcères gastro-intestinaux)
-Troubles métaboliques et endocriniens: surpoids/obésité, insulino-résistance (lien avec le diabète), syndrome métabolique
-Troubles reproductifs : baisse de la fertilité, avortements spontanés, retard de croissance intra-utérin, prématurité, nouveau-nés de faible poids de naissance
-Cancer du sein : le travail posté entraînant une perturbation du rythme circadien est classé 2A, cancérogène probable, par la CIRC (Commission Internationale de recherche sur le cancer)
-Vieillissement précoce
3. Outil d’autoévaluation
Cette échelle évalue la somnolence diurne sur une période plus longue (en liaison avec la fatigue cumulée).
Répondez aux suivantes questions : Quelle est la probabilité pour que vous vous assoupissiez ou que vous vous endormiez – non pas que vous sentiez simplement fatigué – dans les conditions suivantes ? Pensez à votre façon de vivre habituelle. Même si vous ne vous êtes pas récemment trouvé dans de telles circonstances, imaginez votre réaction.
Utilisez l’échelle ci-contre pour choisir le nombre le plus approprié à chaque situation :
0 = pas de risque de s’assoupir
1 = petite chance de s’assoupir
2 = possibilité moyenne de s’assoupir
3 = grande chance de s’assoupir
Situation |
Score |
Assis en lisant | |
En regardant la télévision | |
Assis inactif en public (par exemple au théâtre ou lors d’une réunion) | |
Comme passager en voiture pendant une heure sans arrêt | |
En s’allongeant pour faire la sieste l’après-midi si les circonstances le permettent | |
Assis et en discutant avec quelqu’un | |
Assis tranquillement après un repas sans alcool | |
Au volant, après quelques minutes d’arrêt lors d’un embouteillage |
Interprétation du score total (max. 24):
Un score élevé, supérieur à 10, témoigne très certainement d’une somnolence accrue, un score bas peut aussi bien signifier « je ne suis pas somnolent » que « j’évalue mal ma somnolence ».
N’hésitez pas de vous rendre pour un avis à la médecine du travail en cas de score supérieur à 10.
4. RECOMMANDATIONS
Tout d’abord, pour réussir une bonne adaptation, il faut que le travail de nuit représente un choix librement acceptée par le salarié.
Concernant l’organisation du travail :
Du point de vue de la chronobiologie, l’adaptation des rythmes circadien biologiques de l’organisme se fait partiellement et progressivement après une semaine de travail et cette adaptation est perdue aussi progressivement lorsque la personne revient aux horaires de jour. De ce fait, il est conseille que toute rotation de poste avec une durée moindre à une semaine se fasse le plus rapidement possible afin de permettre la récupération de la fatigue sans que l’organisme commence à s’adapter, c’est à dire travailler au maximum 2 ou 3 nuits d’enfilée.
La nuit les tâches physiques sont mieux supportées que les tâches intellectuelles, donc organiser le travail de nuit de façon à inclure moins de tâches mentales complexes (car risque d’erreurs accru et ralentissement cognitif).
L’exposition à la lumière intense (600 lux) au travail permet de préserver la vigilance et de retarder la somnolence (par l’inhibition de la sécrétion de la mélatonine).
Concernant l’alimentation :
-préserver les trois repas par jour, en privilégiant en quantité les 2 premiers repas suivant le réveil, soit lors du travail de nuit : le repas ou la collation faite au réveil et le repas du soir
-chaque repas doit être équilibré comportant
oun légume et/ou un fruit (cru ou cuit) ou un jus de fruit
ode la viande ou des œufs ou du poisson ou du fromage
odes pommes de terre ou des pâtes ou du riz ou du pain ou des céréales
oun laitage
oune boisson non-alcoolisée
-éviter le grignotage, limiter les excitants (thé, café, cola)
-pendant le poste de nuit, une collation à 3-4 heures après le début du poste aide pour une meilleure vigilance
Concernant le sommeil :
Préserver des horaires de coucher et lever les plus réguliers possibles.
Dormir un minimum de 5 heures après une nuit de travail et 6 heures après plus d’une nuit travaillée à la filée.
Pour limiter la dette de sommeil, ne jamais entamer une garde ou un poste sans avoir complètement récupéré de la fatigue occasionnée par la nuit de travail précédente.
La qualité du sommeil est tout aussi importante que sa quantité. Pour ce faire, lors du retour du travail, créer un environnement favorable au sommeil (calme, sombre et frais), se protéger des bruits extérieurs (débrancher ou éteindre le téléphone), et de la lumière du jour, afin de recréer le plus possible les conditions de la nuit, éviter de se faire réveiller par le membres de la famille (car la fragmentation du sommeil empêche le sommeil profond).
Autres considérations
Se méfier de la conduite automobile juste après une nuit de travail.
Garder des activités sportives régulières, mais programmer l’activité physique à distance du coucher.
Essayer de réserver du temps pour participation à des activités socioculturelles (spectacles, fêtes).
5. SUIVI EN MEDECINE DU TRAVAIL
Le travail de nuit fait l’objet d’une surveillance médicale renforcée en médecine du travail:
-visite médicale avant l’affectation au poste de nuit
-visite médicale périodique tous les 6 mois
-visité médicale à la demande du salarié
Objectifs de la visite médicale :
-évaluation de l’état de santé + éventuellement prescription d’examens complémentaires ou spécialisés, nécessaires pour le diagnostic ou l’évaluation
-délivrance de la fiche de suivi médical (dite « d’aptitude ») avec les propositions ou observations à l’attention de l’employeur
-information sur les incidences potentielles du travail de nuit sur la santé
-conseils sur les précautions à prendre
Réparation
En ce moment, dans les tableaux des maladies professionnelles, il n’y pas des maladies professionnelles reconnaissables et indemnisables en lien avec le travail de nuit.
Cependant, et ceci représente une particularité de la fonction publique, si l’intéressé peut apporter la preuve de la causalité directe entre le travail de nuit et une maladie, il existe la possibilité de la reconnaissance en tant que « maladie contractée en service ».
6. GESTION DES SITUATIONS PARTICULIERES
Femmes enceintes et travail de nuit:
Pour bénéficier des avantages réglementaires, elles doivent annoncer l’employeur de leur état de grossesse :
-les femmes enceintes doivent pouvoir se reposer en position allongée, dans des conditions appropriées (article R. 4152-2 du Code du Travail)
-les femmes enceintes ou venant d’accoucher peuvent, sur leur demande ou celle du médecin du travail, prétendre à une affectation de jour, sans aucune diminution de la rémunération ; en cas d’impossibilité de reclassement sur un poste de jour, dûment motivée par l’employeur, leur contrat de travail sera suspendu avec garantie de rémunération. (articles L. 1225-9 et 10 du Code du Travail)
Les femmes enceintes peuvent également demander une visite médicale en médecine du travail. Cette visite a pour objectif l’évaluation de la compatibilité entre l’état de santé et les contraintes du travail de nuit ou posté et l’information sur les risques sur la santé, avec d’éventuelles remarques, propositions ou contre-indications sur la fiche d’aptitude.
En tout cas de difficultés liés à son état de santé ou de désadaptation au travail de nuit, le salarié peut consulter le médecin du travail, qui, après avoir évalué la situation, a la possibilité de prescrire un aménagement des horaires (en concertation avec le cadre) ou une restriction temporaire ou définitive d’affectation sur un poste de nuit.
L’employeur ne peut prononcer la rupture du contrat de travail du travailleur de nuit du fait de son inaptitude au travail de nuit, à moins qu’il ne justifie par écrit de l’impossibilité de proposer un poste approprié, correspondant à sa qualification. (art. L. 3122-45 du Code du Travail).
En cas d’incompatibilité avec des obligations familiales impérieuses (notamment la garde d’un enfant ou la prise en charge d’une personne dépendante), le salarié peut refuser l’affectation sur un poste de nuit ou peut demander à l’employeur son affectation sur un poste de jour (art. L. 3122-37 et L. 3122-44 du Code du Travail).
Retour au travail de jour : les travailleurs de nuit qui souhaitent occuper ou reprendre un poste de jour dans la même entreprise ont priorité à l’attribution d’un emploi. Egalement, les salariés occupant un poste de jour qui souhaitent occuper ou reprendre un poste de nuit ont priorité à l’attribution d’un emploi. (art. L. 3122-43 du Code du Travail).
Page créée le 03/06/2009.