Risques psychosociaux

« Les risques psychosociaux (RPS) ou la souffrance psychosociale sont souvent résumés par simplicité sous le terme de « stress », qui n’en est en fait qu’une manifestation. Les RPS recouvrent en réalité des risques professionnels d’origine et de nature variées, qui mettent en jeu l’intégrité physique et la santé mentale des salariés et ont un impact sur le bon fonctionnement des entreprises. On les qualifie de « psychosociaux » car ils sont à l’interface de l’individu et de sa situation de travail. » (Rapport « La santé mentale, l’affaire de tous » du Centre d’analyses stratégiques, 2010).

Devant la multitude de termes apparentés utilisés, souvent de manière inappropriée, dans les diverses publications des médias, des intervenants ou des organisations, il convient d’essayer de les définir au mieux.

Définition des risques psychosociaux

La meilleure définition à l’heure actuelle est celle rendue dans son rapport final (2011) par le Collège d’expertise sur les risques psychosociaux missionné par le Ministère du travail pour définir des indicateurs statistiques pour le suivi statistique des risques psychosociaux :

Les risques psychosociaux au travail sont les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental.

Cette définition a le mérite d’inclure les éléments nécessaires à une démarche scientifique :
• les causes: conditions d’emploi, facteurs organisationnels et facteurs relationnels
• le mécanisme: interaction avec le fonctionnement mental
• les effets: altération de la santé mentale, physique et sociale

La définition distingue clairement les deux notions différentes, essentielles dans les sciences de prévention :
• le risque est la probabilité d’apparition d’un effet négatif redouté (atteintes à la santé mentale et physique ou dysfonctionnements sociaux)
• les facteurs de risque sont les éléments de tout type (relationnels, organisationnels ou  appartenant aux conditions d’emploi) qui constituent la source du risque ou les éléments de majoration du risque

La cause : les facteurs professionnels

Classification des facteurs de risques psychosociaux  inspirée du rapport intermédiaire du Collège d’expertise sur les RPS (2009):

• Contraintes du travail : quantité de travail, pression temporelle au travail, complexité du travail, niveau de responsabilité, changements (restructurations)
• Contraintes émotionnelles : dissonance émotionnelle (facticité des émotions en contact avec le public), contact avec des personnes en situation de détresse psychologique ou souffrance physique, exposition à des conflits ou des violences externes, sentiment de peur au travail (risque d’accident, d’agression physique ou morale)
• Rapports sociaux au travail : coopération et soutien social de la part des collègues ou de la hiérarchie, qualité du management (cohérence, clarté des explications, qualité de la communication, justice organisationnelle), violences internes, harcèlement
• Contraintes décisionnelles : autonomie décisionnelle, marges de manœuvre, participation à l’organisation du travail
• Accomplissement et développement individuel : reconnaissance des efforts, sentiment d’utilité du travail fait, utilisation et développement des compétences, soutenabilité du travail, sécurité de l’emploi, évolution de carrière
• Conflits de valeur : qualité empêchée (outils ou procédures de travail inadaptés), conflits éthiques, difficultés de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale

Les situations de travail représentent toujours une association d’un nombre important de facteurs psychosociaux déstabilisateurs et supportifs. Certains modèles très simplifiés permettent de montrer ainsi comment l’association de tels facteurs psychosociaux, permet de classer la situation de travail dans des catégories de niveau de risque de stress différents.

Le modèle de Karasek, très simple, utilise ainsi trois variables : sollicitations professionnelles, liberté d’action, soutien social. Le pire cas de figure est celui d’une situation de travail très sollicitante, où la personne n’a aucune autonomie décisionnelle et ne dispose d’aucune aide de la part des collègues ou de la hiérarchie (exemple : ouvrier d’une chaine de montage).

De nombreux questionnaires permettent d’explorer certains des facteurs psychosociaux professionnels listés ci-dessous. Aucun questionnaire n’est complet ou adapté à toute situation de travail. L’outil le plus simple qui existe est l’échelle visuelle analogique du stress professionnel perçu.

Les mécanismes d’action des facteurs de risques psychosociaux

Situation classique d’apparition du stress
Les facteurs professionnels sont intériorisés dans le fonctionnement mental de l’individu et interagissent avec celui-ci, avec ses particularités. Si la sollicitation  psychologique est trop importante pour le psychique et dépasse les ressources intérieures de la personne, soit par son intensité, soit par sa durée, un état de dysfonctionnement mental s’installe : c’est l’état de stress.

« Un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. L’individu est capable de gérer la pression à court terme, mais il éprouve de grandes difficultés face à une exposition prolongée ou répétée à des pressions intenses. » (Accord national interprofessionnel sur le stress au travail, 2008).

Le modèle « sollicitations – possibilités d’adaptation – soutien extérieur» de Karasek (modifié) correspond bien à cette définition. Un complément est apporté par le modèle « efforts – récompenses » de Siegrist.

Les facteurs psychosociaux professionnels interagissent au niveau du mental de l’individu avec les facteurs d’origine personnelle ou sociétale. L’action cumulée de plusieurs tels facteurs perturbateurs sur le psychique individuel majore ainsi le risque de stress ou décompensation psychologique.

L’atteinte sournoise à l’équilibre psychique
Une situation fréquente mais différente du mécanisme décrit ci-dessus est celle où les facteurs professionnels  sont en contradiction avec les valeurs propres à l’individu ou tout simplement déstabilisants pour le fonctionnement mental normal. L’évolution dans ces cas peut être plus grave que dans la situation précédente.

Les cas de harcèlement moral ou sexuel en représentent un exemple notoire et relativement aisé à identifier. Les techniques de management pathogènes, les situations de travail caractérisées par des conflits de valeur ou l’absence d’accomplissement individuel en représentent un autre exemple, beaucoup moins évident.

L’effet : l’altération de la santé mentale, physique et sociale

Le stress n’est pas une maladie, il est un déséquilibre entre les ressources individuelles et les contraintes professionnelles ou d’autre nature auquels est soumis un individu. « Une exposition prolongée au stress peut réduire l’efficacité au travail et peut causer des problèmes de santé.» (Accord national interprofessionnel sur le stress au travail du 2 juillet 2008)

Effet à court terme: le trouble de l’adaptation

Le trouble de l’adaptation représente un trouble de la santé mentale face à un stress aigu (jusqu’à 3 mois depuis le début de l’exposition aux facteurs stressants professionnels) qui se manifeste par des symptômes émotionnels ou comportementaux représentant une réaction excessive au facteur stressant et/ou un dysfonctionnement social ou professionnel important.

Effets à long terme:

Symptômes et troubles fonctionnels :
• troubles du sommeil, fatigue physique et psychologique
• troubles digestifs, céphalées, tension musculaire et douleurs cervicales ou lombaires

Symptômes psychologiques :
• symptômes anxieux (irritabilité, nervosité, crises de panique, crises de larmes, peurs)
• symptômes dépressifs (mauvaise humeur, fatigue, ralentissement mental, pessimisme, abandon des loisirs et des activités habituelles)

Troubles de la santé mentale : trouble anxio-dépressif, burn-out (épuisement professionnel), dépression chronique, syndrome de stress post-traumatique, autres manifestations.

Le stress psychologique prolongé a un impact certain sur le fonctionnement du corps :
• maladies cardiovasculaires : cardiopathie ischémique, infarctus du myocarde, hypertension artérielle, accident vasculaire cérébral
• troubles musculo-squelettiques : augmentation du niveau de tension musculaire, dysfonctionnement des fibres musculaires, baisse du niveau de tolérance à la douleur, aggravation des symptômes
• pathologies de grossesse (retard de croissance intra-utérine, accouchement prématuré, effets sur l’enfant, mis en évidence tardivement : retard de développement psychomoteur des jeunes enfants, certaine vulnérabilité immunitaire des descendants des mères soumises à un stress important pendant la grossesse)
• troubles du métabolisme des lipides ou accroissement de la résistance à l’insuline
• autres associations: maladies auto-immunes, psoriasis, dermatite atopique
• augmentation secondaire de la consommation de tabac, alcool, substances illicites, médicaments anxiolytiques, antidépresseurs ou hypnotiques

Conséquences socioprofessionnelles:
• Dysfonctionnements sociaux individuels : difficultés relationnelles, isolation sociale, phobies
• Dysfonctionnements professionnels individuels : baisse de la capacité de concentration et de l’efficacité au travail, désengagement (présentéisme), absentéisme
• Au niveau du collectif de travail: mauvaise ambiance de travail, irritabilité et conflits professionnels, sentiment d’injustice organisationnelle
• Pour l’entreprise : risque accru de contentieux, coûts juridiques, mouvements de protestation sociale, altération de l’image externe de l’entreprise

Le diagnostic en médecine du travail

L’entretien en consultation de médecine du travail permet d’observer la relation que la personne entretient avec son travail, son état psychologique, l’apparition et l’évolution dans le temps des troubles fonctionnels ou organiques. Ces éléments sont mis en lien avec les facteurs professionnels, que le médecin du travail, doit connaître en détail, de plusieurs sources. Il s’agit d’une connaissance approfondie du fonctionnement global d’une personne au travail, qui intègre les aspects psychologiques et physiques, professionnels ou personnels, dans un tout. Cette connaissance qui porte le nom de clinique du travail nécessite un certain temps, ainsi qu’une relation de confiance entre le salarié et le médecin.

Page créée le 15/12/2012.

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