Retentissement psychologique des accidents du travail. Prise en charge des événements psychotraumatisants sur le lieu de travail

Les accidents du travail et les interventions de premiers secours exposent à la vue du sang, au contact avec la souffrance, voire la mort, et peuvent engendrer un stress important. Le secouriste doit l’anticiper et s’y préparer autant que possible : rester focalisé sur la situation, agir de manière adaptée à la problématique rencontrée. La bonne connaissance du retentissement psychologique que peut avoir l’accident du travail sur la victime et ses collègues de travail permet au secouriste de mieux vivre l’intervention et d’assurer une prise en charge plus adaptée. Tel est l’objectif de cet article.

Un accident grave du travail est un événement violent et inattendu, déstructurant de l’environnement de travail, qui confronte la victime et ses collègues de travail à une menace grave pour soi ou pour autrui, et qui entraîne des réactions émotionnelles fortes de peur, de panique ou d’impuissance.

Victime potentielles du choc psychologique:

  • l’accidenté, les collègues présents dans l’atelier au moment de l’accident
  • toute personne présente sur les lieux lors de la prise en charge, dont les secouristes
  • le reste du personnel de l’entreprise, en moindre mesure

Mécanisme de traumatisation psychique = événement vécu de manière intense par un sujet, tant sur le plan affectif qu’émotionnel, et susceptible de perturber à long terme son équilibre psychologique

A. Le stress aigu normal / le stress adapté
B. Le stress post-traumatique aigu anormal = le stress dépassé

  • réactions aigues excessives : angoisse majeure, sentiment de danger imminent, agitation physique, comportement perturbé, agressivité, sensations d’étouffement ou d’évanouissement
  • réactions de dissociation: ralentissement psychomoteur, regard et visage inexpressif, état de choc, déni de l’événement comme mécanisme de défense, sentiment d’irréalité, de détachement émotionnel et dépersonnalisation transitoire, comportement automatique, fugue

Principes des premiers secours psychologiques :

  • Cadre rassurant, sécurisant (versus la brutalité de l’accident et le chaos initialli>
  • Rétablissement des protections et des structures qui ont souffert des dégradations lors de la traumatisation psychique – voir image ci-dessus, apaisement et stabilisation émotionnelle
  • Rétablissement des liens avec les autres, pour faciliter l’adaptation
  • Accompagnement, information, orientation

Bonnes principes de prise en charge :

  • Intervenir rapidement après l’événement: aller sur le terrain à la rencontre des personnes susceptibles d’avoir souffert un choc émotionnel, qui présentent des réactions de stress aigu ou de dissociation
  • Si la personne peut se déplacer, l’installer idéalement dans un bureau, pour se sentir en sécurité et pour la préserver du regard des autres, la couvrir si besoin (sentiment de sécurité), éloigner les personnes ou objets susceptibles de contribuer à l’état de stress
  • Limiter le nombre d’intervenants
  • Se présenter en tant que secouriste ou professionnel de santé, rappeler brièvement ce qui s’est passé, ramener la personne dans l’ici et le maintenant, expliquer le présent dans un objectif de rétablir le sentiment de sécurité et de refaire le lien avec la réalité
  • Expliquer les actes de soin, la suite de la prise en charge par les secours extérieurs, redonner l’espoir dans une issue positive, répondre aux questions ou aux besoins de la personne (nourriture, boisson, couverture, habits propres)
  • Accueil de la parole, de la détresse émotionnelle, laisser la personne s’exprimer sur l’événement seulement si elle le souhaite, « comme ça vient », sans poser des questions, sans être intrusif, sans jugement ou commentaires (écoute, empathie, respect); ne pas essayer de déculpabiliser, respecter la manière dont la victime essaie de gérer ce qui vient de se passer
  • Contenir les débordements émotionnels trop importants qui représentent l’équivalent d’une hémorragie psychique: parler bas, lentement ; si la personne n’est pas blessée physiquement, lui donner à boire un verre d’eau ;
  • Essayer de résoudre les problèmes pratiques de la personne, qu’elle ne peut pas gérer à cause de l’accident ou de l’événement, et essayer de répondre à ses demandes d’information
  • Informer sur les symptômes et les réactions possibles après un tel événement – voir ci-dessous (éventuellement, donner une information écrite) et orienter vers les ressources internes (service de santé au travail) ou externes (médecin traitant, psychologue si possible)
  • Donner des conseils simples sur l’hygiène de vie (dormir suffisamment, s’alimenter) et sur la gestion du stress (soutien social de la part de la famille, des amis)
  • Ne pas prolonger l’entretien initial: l’intervention doit rester brève, centrée sur l’ici et le maintenant; se limiter à une intervention simple dans le cadre de son rôle et de ses compétences; éviter les discussions  complexes ou sur le passé;

Le retentissement psychologique dans les semaines suivant l’événement peut être important : pensées et involontaires et émotions liées à l’événement, images fortes, sommeil perturbé, fatigue, agitation, irritabilité, difficultés de concentration, moins d’intérêt pour les loisirs habituels, sentiment de ne pas être compris des autres, culpabilité, repli sur soi.

Après intervention, la prise de parole en groupe par les personnes ayant assisté en même temps à un événement est importante pour verbaliser l’expérience vécue par chacun et permettre ainsi l’évacuation du stress.

Un débriefing psychologique peut être organisé, si besoin, dans l’entreprise par un psychologue clinicien spécialisé, dans les 2-3 jours suivant les faits, pour aider les personnes touchées à intégrer et surmonter l’événement, essayer de prévenir une évolution défavorable et identifier les personnes nécessitant un suivi et un accompagnement psychologique. Cet état de stress lié à l’événement peut se prolonger dans certains cas au-delà d’un mois : il s’agit alors d’un état de stress post-traumatique, qui à son tour peut conduire à une dépression chronique.

Page créée le 29/11/2014.

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