Le trouble de l’adaptation

Dans les dernières années les médecins du travail sont confrontés à un nombre croissant de salariés qui souffrent de différents troubles de la santé mentale induits par le stress au travail.

Le stress est un terme très utilisé, souvent de manière inadéquate, comme cause, conséquence d’un processus ou comme le processus-même. L’accord européen de 2004 sur le stress au travail transposé dans la réglementation française par l’Accord national interprofessionnel sur le stress au travail du 2 juillet 2008 décrit le stress comme un état qui « survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face; l’individu est capable de gérer la pression à court terme mais il éprouve de grandes difficultés face à une exposition prolongée ou répétée à des pressions intenses ».

Le trouble de l’adaptation représente un trouble de la santé mentale face à un stress. Il s’agit diagnostic médical accepté, qui s’avère être très utile dans la pratique de médecine du travail. Les critères diagnostiques sont indiquées dans le DSM-5 (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 5ème édition) et dans la CIM-10 (Classification Internationale des Maladies, 10ème édition, catégorie F43.2).

Le trouble de l’adaptation d’origine professionnelle

Cause: facteurs stressants professionnels identifiables (facteurs de risque psychosociaux d’origine professionnelle)

Latence d’apparition: jusqu’à 3 mois depuis le début de l’exposition aux facteurs stressants professionnels identifiés

Manifestations: symptômes émotionnels ou comportementaux représentant une réaction excessive au facteur stressant ET/OU dysfonctionnement social ou professionnel important

Symptômes émotionnels: Détresse marquée hors de proportion par rapport à la gravité ou à l’intensité du facteur de stress, compte tenu du contexte externe et des facteurs culturels qui pourraient influencer la gravité des symptômes et la présentation.

Symptômes comportementaux: Altération significative du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants

  • exemples de symptômes émotionnels: anxiété, tristesse, retrait affectif, irritabilité, troubles psychosomatiques divers
  • exemples de symptômes comportementaux: abus de médicaments ou de toxiques (tabac, alcool, drogues), actes délictueux, comportement suicidaire (jusqu’à 60% des patients selon certaines études)
  • exemples de dysfonctionnement professionnel: diminution de la capacité de concentration ou de la mémoire à court terme avec baisse de la capacité de travail, absences injustifiées ou arrêts-maladie répétés
  • exemples de dysfonctionnement social: isolement social, changement des comportements, diminution de la capacité à assumer des rôles sociaux ou familiaux, conflits relationnels etc.

Moyens de diagnostic: le jugement clinique représente l’élément clé dans le diagnostic, notamment en prenant en considération le contexte professionnel, individuel et médical et l’évolution clinique dans le temps; la complexité de ces facteurs rend difficile l’inclusion dans un questionnaire de tous les critères de diagnostic; néanmoins, pour l’évaluation des symptômes d’anxiété ou de dépression le questionnaire HAD s’avère utile;

Diagnostic différentiel: les symptômes observés ne doivent pas correspondre à un autre trouble mental, ni à l’aggravation d’un trouble mental préexistent; la dépression majeure est le principal diagnostic à exclure.

Commentaires:

  • la prédisposition et la vulnérabilité individuelle jouent un rôle important dans l’apparition et l’évolution des manifestations des troubles de l’adaptation, cependant ces manifestations ne seraient pas survenues sans l’exposition aux facteurs stressants professionnels
  • l’évaluation des manifestations excessives de la réaction au facteurs stressants implique une définition de ce que représenterait une réaction normale à ces facteurs stressants: des variables comme le contexte extérieur (exemple: conflit ouvert en entreprise, implications médico-légales) et des facteurs individuels (culturels : les individus de certaines origines s’expriment émotionnellement plus facilement ou plus fort que d’autres) influencent la présentation ou la sévérité des symptômes

Formes: aiguë (jusqu’à 6 mois depuis le début des troubles), chronique (au-delà de 6 mois depuis le début, en cas de persistance des facteurs stressants)

Auto-limitation: les symptômes ne devraient pas se poursuivre plus de 6 mois après la fin de l’exposition aux facteurs stressants; en cas de persistance des symptômes au-delà des 6 mois, le diagnostic retenu peut être « autre trouble lié à des facteurs de stress, spécifié, code CIM10: F43.8)

 

Traitements:

 

  • interventions médico-professionnelles: élimination ou diminution de l’exposition aux facteurs stressants via l’aménagement du poste de travail, renforcement du soutien social hiérarchique ou collégial pour faciliter l’adaptation, éducation du patient pour identifier et gérer les sources de stress via le développement des compétences, formation du salarié sur la gestion du stress professionnel, exposition progressive à des situations de plus en plus sollicitantes (en cas d’arrêt maladie, le temps partiel thérapeutique)
  • interventions psychologiques: techniques cognitive-comportementales de coping actif (restructuration cognitive en développant des perspectives productives et rationnelles de la situation, résolution des problèmes), techniques de coping passif (renforcement des ressources individuelles via des techniques de relaxation), thérapies courtes (appropriées aux formes aiguës), thérapies plus longues (adaptées aux situations de stress aigu ou aux cas de personnalité pathologique représentant un élément de vulnérabilité aux facteurs stressants) ; l’objectif des interventions psychologiques est de redonner confiance au salarié dans sa capacité d’action sur les facteurs de stress, de renforcer l’indépendance et la capacité de contrôle, d’encourager une approche active
  • traitements médicamenteux: notamment le traitement symptomatique des troubles du sommeil, de l’anxiété et des crises de panique ; les antidépresseurs sédatifs peuvent avoir une utilité en cas de contre-indication aux benzodiazépines;
  • interventions en milieu de travail: au niveau collectif la solution est la diminution des facteurs professionnels de risque psychosociaux de nature organisationnelle ou relationnelle

Autres commentaires:

  • l’intervalle de latence entre le début de l’exposition au facteur stressant et le trouble de l’adaptation est de maximum 3 mois selon le DSM-IV et de maximum 1 mois selon la CIM-10 (plus le temps de latence est long, moins le diagnostic de trouble de l’adaptation est probable)
  • le diagnostic du trouble de l’adaptation selon le DSM-IV est la présence de symptômes excessifs OU des dysfonctionnements socioprofessionnels, tandis que le diagnostic selon la CIM-10 nécessite la présence concomitante des symptômes excessifs ET des dysfonctionnements socioprofessionnels
  • les troubles de l’adaptation d’origine professionnelle peuvent être signalés en tant que maladies à caractère professionnel (article L461-6 du Code de la Sécurité Sociale)

Articles recommandés :

P. Casey, S. Bailey – « Adjustment disorders: the state of the art », World Psychiatry. 2011 February; 10(1): 11–18

J.J. van der Klink, F.J.H. van Dijk – « Dutch practice guidelines for managing adjustment disorders in occupational and primary health care », Scand J Work Environ Health 2003;29(6):478-487

Page créée le 16/04/2012.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *